A un kilomètre de distance, ce dimanche 26 mai, deux manifestations bien différentes se déroulent à Rio de Janeiro. A Copacabana, les partisans de Jair Bolsonaro, habillés aux couleurs verte et jaune du Brésil, défilent pour soutenir le président qui connaît une chute de popularité. A Ipanema, les habitants des favelas, tout de noir vêtus, scandent : « Cessez de nous tuer. »
Entre janvier et avril 2019, les chiffres des tués par la police – 558 morts, plus de quatre par jour – correspondent aux pires statistiques depuis que ces victimes ont commencé à être comptabilisées, en 1998. Les manifestants ont le visage grave et racontent tous une violence inédite : « J’ai soixante-deux ans de favela, je n’ai jamais vu cela, assure José Ma, représentant de la favela do Serrinho. Les habitants n’en peuvent plus, les enfants ne jouent plus dehors. C’est très rare de voir une manifestation organisée par autant de représentants de favelas. Mais là, la police entre pour tuer. »
Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jair Bolsonaro réarme le Brésil par décretA l’origine de cette recrudescence de la violence policière, le nouveau gouverneur de Rio de Janeiro, Wilson Witzel, du Parti social-chrétien (PSC), qui encourage ouvertement les policiers à « viser la tête des trafiquants ». Ce juge fédéral de 51 ans n’était crédité que de 1 % des voix en août 2018, mais il a gagné en faisant campagne sur le thème de « la guerre à la délinquance » aux côtés du fils du président, Flavio Bolsonaro, sénateur de l’Etat de Rio de Janeiro. Sa proposition la plus polémique étant de faire « abattre tout délinquant qui porte un fusil » par des tireurs d’élite ou des drones, une technologie que le gouverneur a promis de ramener d’Israël.
Elu confortablement avec 59,8 % des voix en octobre 2018, M. Witzel a été, au début de son mandat, la risée de Rio. Le gouverneur a fait confectionner une écharpe aux couleurs de l’Etat de Rio, qu’il a portée toute la première semaine de son mandat en janvier. « Au Brésil, seuls le président de la République et le Roi Momo, le roi du carnaval, ont droit à une telle écharpe, explique, dans un sourire, le député d’opposition Flavio Serafini. Mais rapidement le gouverneur ne nous a plus fait rire du tout, vu ce qui se passait dans les favelas. »
« L’usage des snipers »Le discours de campagne est devenu une réalité. Fin janvier, des habitants « tombent » dans la favela de Manguinhos alors qu’aucune opération policière n’est en cours : Romulo Oliveira da Silva est touché alors qu’il roulait à moto, Carlos Eduardo dos Santos en marchant. Un troisième homme est blessé alors qu’il achetait une boisson dans la rue. Les témoins ont affirmé que les tirs étaient partis d’une tour d’un commissariat de police proche.
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