BRÉSIL : 1.200 POLICIERS À LA « RECONQUÊTE » D’UNE FAVELA
Plus d’un millier de membres des forces de l’ordre brésiliennes ont été déployés mercredi dans la favela de Jacarezinho, théâtre en mai du raid policier le plus meurtrier de l’histoire de Rio de Janeiro.
Quelque 1.200 policiers militaires ont lancé mercredi une méga-opération de « reconquête » des favelas de Rio tenues par des gangs de narcotrafic, en commençant par celle de Jacarezinho. Cette favela d’environ 40.000 habitants au nord de Rio, près de l’aéroport international, n’a pas été choisie par hasard : en mai, un raid policier y a fait 28 morts et l’ONU a réclamé une « enquête impartiale » sur des accusations d’exécutions sommaires. Deux policiers qui avaient pris part à ce raid ont été inculpés en octobre d’homicide.
« Le gouvernement de l’État de Rio a débuté la reconquête du territoire de la favela de Jacarezinho », a annoncé la Police militaire (PM) de Rio sur Twitter. Porte-parole de la PM, le major Ivan Blaz a fait état d’une « apparente tranquillité », sans fusillade entre gangs et policiers.
Rues quasiment désertes
Selon des journalistes présents sur place, les rues Jacarezinho étaient quasiment désertes et la plupart des rideaux de commerces baissés, tandis que des groupes de policiers en treillis ou en uniforme noir patrouillaient avec des fusils d’assaut, sous une chaleur écrasante. La tension était palpable et les habitants de la favela n’ont pas souhaité s’exprimer au sujet de l’opération policière.
Des opérations similaires devraient avoir lieu dans d’autres quartiers ces prochains mois dans cette ville de 6,7 millions d’habitants dont près d’un quart vivent dans des favelas, quartiers pauvres où règne le crime organisé.
« Cela fait des mois qu’on élabore un programme qui change la vie de la population […]. L’opération d’aujourd’hui est seulement le début d’un changement qui va bien au-delà des questions de sécurité », a assuré le gouverneur Castro sur Twitter. Outre les patrouilles policières au quotidien, le programme prévoit des projets sociaux et d’urbanisme.
« Occupation militaire »
Mais ce programme, considéré comme certains comme un simple effet d’annonce en début d’année électorale, fait déjà l’objet de critiques de l’opposition. « Les dispensaires sont fermés, la vaccination et les tests anticovid sont suspendus à Jacarezinho, où a lieu cette occupation militaire à un moment critique de la pandémie », a tweeté Renata Souza, députée régionale de l’État de Rio pour le Parti Socialisme et Liberté (PSOL). « Cette logique d’occuper militairement un territoire pour l’intégrer est erronée ! Cela enfreint totalement les droits des habitants ! », a-t-elle ajouté.
De nombreux spécialistes en sécurité fustigent depuis des années la politique de lutte contre le trafic de drogue menée par les gouvernements successifs, estimant qu’elle est basée essentiellement sur l’affrontement violent des gangs et non sur des enquêtes approfondies et plus ciblées. Les habitants sont à la fois victimes des violences entre les gangs et la police et entre gangs eux-mêmes.
Charente Libre